l’hidradénite suppurée
ou maladie de Verneuil
À propos de cet article :
Dr Olivier COGREL (CHU de Bordeaux)
Dr Claire HOTZ (CHU de Créteil)
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Résumé
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L’hidradénite suppurée (HS) ou maladie de Verneuil est une dermatose inflammatoire chronique.
Les critères diagnostiques associent :
- la présence de lésions typiques c'est-à-dire des nodules profonds douloureux ou abcédés, des trajets fistuleux, des cicatrices fibreuses en pont et des comédons ouverts ;
- une localisation typique : atteinte des régions axillaires, mammaires, inguinales, périnéo-fessière ;
- des lésions chroniques et récurrentes.
Aucun examen complémentaire n’est utile au diagnostic.
Malgré ces critères bien établis, le délai diagnostique moyen est encore trop long, de l’ordre de 8 ans.
Toute lésion nodulaire, tout abcès situé dans les régions axillaires, inguinales, périnéales ou mammaires doit faire évoquer le diagnostic de maladie de Verneuil.
La fréquence dans la population française générale est de l’ordre de 1% avec 3 femmes atteintes pour 1 homme atteint environ.
Le tabagisme et le surpoids sont significativement associés à l’hidradénite suppurée.
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L’hidradénite suppurée, à quoi ça ressemble ?
Comprendre
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Les lésions précoces sont des nodules douloureux isolés pouvant s’abcéder et persister plusieurs semaines.
La répétition de poussées inflammatoires entraine la formation de cicatrices hypertrophiques et fibreuses en pont, de trajets fistuleux et de comédons ouverts. Des lésions non typiques peuvent être présentes (folliculite, bourgeons charnus, cicatrices vermoulues, cicatrices à l’emporte-pièce, kystes épidermiques).
Il n’y a ni adénopathie, ni fièvre associées. Les infections à germes pyogènes sont rarissimes.
Localisations
Les localisations dites typiques sont les régions axillaires, inguinales, périnéales, fessières, mammaires. Cependant d’autres régions peuvent être atteintes : visage, nuque, dos. Une atteinte pré et/ou rétro-auriculaire avec des kystes et des cicatrices vermoulues du visage doivent fait suspecter une maladie de Verneuil.
Comment cela se présente ?
La présentation clinique de l’hidradénite suppurée est en réalité très variée de par ses localisations, ses différentes lésions, son évolution et sa sévérité. Il a été suggéré une différence de présentation et de sévérité de la maladie selon le sexe avec une localisation antérieure plus fréquente chez la femme et des localisations atypiques et glutéales (fesses) plus fréquentes chez les hommes.
Une étude récente effectuée chez 618 patients distingue 3 phénotypes distincts :
- un 1er phénotype « axillo-mammaire » (48 % de la population étudiée) caractérisé par des atteintes préférentielles mammaires, axillaires et des lésions de type nodule et cicatrices en ponts. Ce phénotype « typique » était constitué principalement de femmes avec un indice de masse corporelle élevé.
- un 2ème phénotype « folliculaire » (26 %) : les patients de cette classe avaient des atteintes axillaires, mammaires, rétro-auriculaires, thoraciques, du dos, des membres, mais présentaient des probabilités élevées d’avoir des lésions folliculaires (kystes épidermiques, comédons, sinus pilonidal). Cette forme sévère était plus fréquente chez les hommes fumeurs.
- un 3ème phénotype « fessier » (26 %). L’atteinte était de localisation fessière avec des lésions à type de papules et folliculites.
Ces différents phénotypes pourraient être le reflet de processus physiopathologiques différents dans le développement de la maladie.
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Physiopathologie de l’hidradénite suppurée
ou Maladie de Vernueil
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La physiopathologie de ’hidradénite suppurée est encore mal connue. Plusieurs facteurs étiologiques sont suspectés :
- Maladie folliculaire :
la topographie typique des lésions dans les régions riches en glandes apocrines et l’association avec des maladies folliculaires suggèrent une anomalie du follicule pilo-sébacéo-apocrine. Une occlusion folliculaire précoce a été décrite dans la genèse de la maladie. L’inflammation des glandes apocrines serait un évènement secondaire. - Etiologie infectieuse :
l’amélioration clinique chez certains patients sous antibiothérapie suggère un rôle de la flore cutanée. Plusieurs études ont retrouvé une flore polymicrobienne. - Facteurs hormonaux :
le surpoids est un facteur associé à ’hidradénite suppurée. Les femmes sont plus fréquemment atteintes avec des poussées parfois pré-menstruelles. Les lésions débutent lors de la puberté et une amélioration peut être notée lors des grossesses et à la ménopause. - Susceptibilité génétique :
30 à 40% des patients ont des antécédents familiaux d’hidradénite suppurée. En 2010, des mutations des gènes codant pour la γ-sécrétase ont été identifiées dans 6 familles chinoises Han atteintes d’HS. En 2013, 21 mutations des gènes codant pour la γ-sécrétase ont été rapportées dans des populations chinoises et européennes (cas familiaux et sporadiques). - Inflammation et immunité :
l’efficacité paradoxale des antibiothérapies et de traitements immunosuppresseurs suggère une anomalie de la réponse du système immunitaire à la flore microbienne cutanée. Plusieurs anomalies des réponses immunes innées et adaptatives sont impliquées.
- Maladie folliculaire :
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Évolution
L’âge moyen de début de l’hidradénite suppurée est 22,1 ans et la durée moyenne d’activité de la maladie est de 18,8 ans. La maladie tend à être moins active chez les femmes après la ménopause et en rémission lors des grossesses.
Scores
La classification de Hurley cote la sévérité de la maladie en 3 groupes :
Grade I Grade II Grade III Abcès unique ou multiples sans fistule, ni processus cicatriciel fibreux. Abcès récidivants avec formation de fistules et de cicatrices hypertrophiques.
Lésions unique ou multiples séparées les unes des autres.Atteinte diffuse, ou fistules interconnectées et abcès sur toute l’étendue de la zone atteinte. Ce sont des niveaux de sévérité et non d’évolutivité. Dans une étude française portant sur 302 patients, 68,2 % des patients étaient classés dans le grade I, 27,6 % dans le grade II et 3,9 % dans le grade sévère III. D’autres scores permettent de coter la sévérité et l’évolutivité de la maladie (score de Sartorius modifié, Physicians Global Assessment ou PGA). Le « dermatology life quality index » ou DLQI permet d’évaluer l’impact de la dermatose sur la qualité de vie. La cotation de l’importance de l’écoulement et de la douleur des lésions grâce à une échelle visuelle analogique (EVA) est également utile pour le suivi des patients.
Complications
Le retentissement socio-professionnel et psychologique est majeur. Parmi les affections dermatologiques, la qualité de vie chez les patients atteints d’hidradénite suppurée est une des plus altérées. L’inflammation chronique et récurrente peut entrainer l’apparition d’un lymphœdème. Des cancers épidermoïdes ont pu être observés après une évolution prolongée (10 à 20 ans) notamment dans les localisations périnéales chez l’homme.
Maladies associées
L’hidradénite suppurée peut être associée à d’autres maladies folliculaires : folliculites, sinus pilonidal, folliculite disséquante du cuir chevelu et de manière controversée l’acné et l’acne conglobata.
La maladie de Crohn (MC) est à la fois un diagnostic différentiel et une maladie associée. Dans une étude de 1093 patients atteints de maladie inflammatoire du tube digestif, la prévalence de l’hidradénite suppurée a été estimée à 23 %.
Des manifestations rhumatologiques peuvent aussi être présentes et le lien avec le groupe des spondylarthropathies (spondylarthrite ankylosante, syndrome SAPHO] a été suggéré en raison parfois d’une atteinte axiale et des articulations sacro-iliaques, de l’atteinte des enthèses (insertions tendineuses), de l’efficacité de traitements anti-inflammatoires et de l’association avec la MC. L’association à une spondylarthropathie a été estimée à 3,7 %.
De rares cas de pyoderma gangrenosum associés à l’hidradénite suppurée ont été rapportés ou de syndromes auto-inflammatoires.
En prenant en compte les différents phénotypes et les grades de sévérité ainsi que les maladies associées, la maladie de Verneuil peut être considérée comme un syndrome.
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Les traitements de l’hidradénite suppurée
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Un traitement difficile et non consensuel
À ce jour, il n’existe pas de traitements médicamenteux permettant une guérison définitive. Néanmoins, la combinaison simultanée ou successive de traitements médicaux et chirurgicaux peut améliorer les patients. Seul un traitement chirurgical large peut permettre une guérison. Il n’existe pas d’études de fort niveau de preuve permettant de guider les choix thérapeutiques. Le traitement doit prendre en compte le phénotype et la sévérité. Les posologies doivent être adaptées au poids. Des recommandations de la société française de dermatologie sont en cours de rédaction.
Les antibiothérapies constituent le traitement de 1ère intention mais n’ont jamais été évaluées ni comparées.
Dans les formes intermittentes, des traitements antibiotiques en courte cure peuvent améliorer les poussées aigues d’HS. Les nodules abcédés douloureux doivent être incisés mais non retirés chirurgicalement.
Dans les formes chroniques, l’objectif est une rémission partielle ou complète afin de proposer une prise en charge chirurgicale.
Un traitement par tétracyclines au long cours à visée anti-inflammatoire peut retarder les récidives. D’autres antibiothérapies à plus large spectre peuvent être proposées dans les formes sévères.
Des biothérapies, notamment les anti-TNF-α peuvent être prescrites dans certains cas, dans des centres experts de la maladie de Verneuil.
Chirurgie, Lasers
Pour décider du geste chirurgical à réaliser, il est important de bien distinguer cliniquement les différentes lésions de maladie de Verneuil. Schématiquement la présence de fistules imposera à plus ou moins long terme et souvent après un traitement médical, une chirurgie qui elle-même sera localisée ou plus étendue.
On sépare classiquement :
- La chirurgie d’urgence qui consiste à inciser et drainer un nodule abcédé ou un abcès afin d’agir rapidement sur la douleur. Cette incision peut être pratiquée dans des conditions s’asepsie rigoureuse au cabinet du médecin généraliste, du dermatologue, dans un service d’urgence ou être effectuée par le patient lui-même qui a souvent pris l’habitude de le faire. On évitera autant que possible une mise à plat chirurgicale ou une chirurgie localisée en situation d’urgence. La technique de marsupialisation qui consiste à supprimer le toit des lésions (cf. chirurgie des fistules) peut également se discuter.
- La chirurgie programmée en cas de fistule(s), incluant le sinus pilonidal, consiste soit à faire une chirurgie limitée, soit une marsupialisation, soit une exérèse large au-délà des follicules pileux. L’étendue de l’exérèse dépend du caractère limité ou diffus de la maladie Elle nécessite une bonne collaboration médico-chirurgicale et doit être pratiquée par une équipe expérimentée. Cette intervention est souvent programmée après un traitement antibiotique prolongé sur plusieurs semaines ou pour les formes les plus sévères un traitement par anti-TNF alpha poursuivi quelques mois. Ces traitements vont limiter les phénomènes inflammatoires.
Technique de marsupialisation ou « deroofing »
Elle consiste à ouvrir le toit des fistules repérées par un stylet avec un bistouri, un bistouri électrique (STEEP : Skin Tissue sparing Excision with Electrosurgical Peeling) ou un laser CO2. Cette technique à l’avantage de pouvoir être réalisée sous anesthésie locale.
Elle est adaptée plutôt aux formes peu étendues. Elle est aussi préconisée dans notre expérience aux formes superficielles atypiques situées hors des plis et résistantes aux traitements médicaux.
Les suites opératoires sont généralement plus simples avec une cicatrisation en 2 à 2 semaines. L’excision chirurgicale large au-delà des zones pileuses reste le traitement de référence pour les formes Hurley 3 (plastron cicatriciel de l’ensemble d’une zone anatomique). Il s’agit d’une excision en bloc en restant si possible dans le tissu hypodermique et parfois jusqu’au fascia. La profondeur de l’exérèse dépend en fait du degré de fibrose. Une IRM préalable peut guider dans certaines situations le geste et rechercher des fistules plus profondes.
La cicatrisation dirigée est la technique de choix dans les plis avec obtention d’un tissu de granulation en quelques jours et une épidermisation en 6 à 8 semaines en moyenne. Des greffes de peau mince peuvent être effectuées en cas de rétraction mais l’atout majeur de la cicatrisation dirigée est de ne pas créer des cicatrices supplémentaires.
Lasers
Ces exérèses larges permettent d’améliorer significativement la qualité de vie de 70% des patients qui sont le plus souvent satisfaits des résultats cosmétiques. L’épilation au laser (Nd-YAG long pulse à privilégier) est possible et conseillée pour les formes débutantes de maladie de Verneuil notamment quand il existe une folliculite superficielle mais le cout reste en grande partie à la charge des patients. Le laser Nd-YAG épilatoire et vasculaire peut aussi être utilisé dans les formes débutantes de sinus pilonidal et diminue le risque de récidive après chirurgie.
Recommandations de bonne pratique
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