l’érysipèle
À propos de cet article :
Dr Fabienne TROUCHE, Dr Marie-Hélène JEGOU-PENOUIL (photos)
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Résumé
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L’érysipèle est une infection bactérienne de la peau qui touche le derme et l’hypoderme (couche profonde de la peau faite de lobules graisseux) et qui n’évolue pas normalement vers la nécrose des tissus. C’est donc une dermo-hypodermite bactérienne aiguë non nécrosante (DHBNN)
Il se situe le plus souvent sur les membres inférieurs et la face.
Il se présente le plus souvent sous forme d’un placard rouge bien circonscrit, associé à une fièvre de survenue brutale.
La porte d’entrée bactérienne est à rechercher, et souvent reconnue.
Il existe des facteurs favorisant l’érysipèle, locorégionaux mais aussi des conditions systémiques.
L’agent infectieux est le plus souvent le streptocoque bêta-hémolytique du groupe A, mais il est difficile de l’identifier.
Les complications ne sont pas rares, surtout la récidive.
Le traitement antibiotique est bien codifié, selon les situations cliniques. Il est associé au repos de la région concernée.
Le terme d’érysipèle est actuellement abandonné pour celui de dermo-hypodermite bactérienne non nécrosante (DHBNN).
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À quoi ressemble l’érysipèle ?
Comprendre
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Au moyen âge on parlait de feu de Saint-Antoine pour cette affection du visage confondue avec l'ergotisme, mais les causes respectives de ces affections ne furent connues que plusieurs siècles plus tard.
Le début est plutôt brutal
Dans un contexte de fièvre avec ou sans frissons de survenue brutale, un placard rouge bien délimité apparaît sur le territoire concerné, le plus souvent le membre inférieur, et le visage par ordre de fréquence.
La zone intéressée est rouge chaude et douloureuse.
À l’examen on note une surélévation (bourrelet) typique en périphérie de la plaque.
Si le membre inférieur est le plus souvent concerné, moins fréquemment il s'agit du visage. Plus rarement il s'agit de la région périnéo-génitale (gangrène de Fournier), du thorax ou de l'abdomen.
L’évolution se fait vers l’extension centrifuge de 2 à 10 cm par jour d'extension, avec parfois l’apparition de bulles ou de lésions purpuriques.
Les ganglions de la région atteinte sont parfois palpables, ainsi que le trajet lymphatique ainsi que sous forme de traînée rouge.
Il faut rechercher la porte d’entrée bactérienne que l’on retrouve dans 2/3 des cas.
le plus souvent il s’agit de d’un intertrigo interorteil, dermatophytique ou non. C'est la principale cause d'érysipèle du membre inférieur. Au niveau du visage un intertrigo derrière l'oreille ou dans le conduit auditif externe comme un eczéma ou un psoriasis peut être à l'origine d'un érysipèle de la face.
Une plaie cutanée parfois minime,une plaie chirurgicale, ou après une vaccination, une piqûre d’insecte, brûlures, une perlèche, un ulcère, plus rarement une rhinite une pharyngite ou une infection dentaire.
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Les causes
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Quels sont les facteurs de risque, qui est concerné ?
Les facteurs favorisant l'érysipèle sont locaux ou généraux.
Facteurs de risque locaux
Les facteurs de risque locaux ou régionaux sont les oedèmes, veineux ou lymphatiques, mais aussi les dermatoses chroniques comme le psoriasis ou l'eczéma occasionnant une brèche dans l'épiderme, les antécédents d'irradiation et/ou lymphadénectomie (ablation des ganglions).
Facteurs de risque généraux
Les facteurs de risque généraux sont l'obésité, le diabète, l'alcoolisme, le tabagisme, corticothérapie locale ou générale,la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), le syndrome néphrotique et les situations d'immunosuppression (dysglobulinémie, néoplasie, déficits immunitaires acquis ou primitifs, antibiothérapie multiples, SIDA).
Chez l'enfant les facteurs de risque sont souvent dus à la varicelle et le Staphylocoque doré est souvent associé au Streptocoque.
Tous ces facteurs doivent être clairement identifiés.
Les adultes de plus de 40 ans sont généralement concernés par cette affection, avec un sex ratio de 1:1. Le risque augmente avec l'âge.
L'incidence de l'érysipèle est estimée à 9 cas pour 100.000 par an, plutôt en augmentation.
Quelle est la bactérie responsable ?
Il s’agit d’une infection essentiellement streptococcique dans 85% des cas : streptocoques bêta-hémolytiques du groupe A surtout, B, C et G.
La (ou les bactéries) pénètre à travers une brèche cutanée puis se multiplie localement dans les tissus.
Peut-on identifier l'agent infectieux responsable ?
Il est rare de pouvoir identifier le germe de l’érysipèle, les hémocultures n’étant que rarement positives.
Une aspiration à l’aiguille fine au pourtour de la lésion permet de documenter l’infection dans certains cas, mais cet examen invasif est peu utilisé dans la pratique courante,et uniquement en cas d’hospitalisation.
Dans des circonstances particulières, d’autres germes peuvent être retrouvés :
- Les infections à Staphylocoques dorés sont en effet plus rares et plus souvent retrouvées chez les patients dont le point de départ est un site d’injection (chez les toxicomanes principalement) ou présentant une plaie initiale purulente. Certains Staphylocoques sont résistants à la MÉTHICILLINE (antibiotique), appelés SARM.
- L'érysipèle avec comme porte d'entrée une plaie purulente peut être dû au Staphylocoque doré (dont SARM).
- L'érysipèle chez un diabétique peut être dû à un bacille gram négatif aérobie (exemple entérobactéries), ou anaérobie (difficile à détecter mais soupçonné en présence de gaz, d'odeur fétide et en cas de porte d'entrée muqueuse), mais là il s'agit alors de DHB nécrosantes.
- L'érysipèle par morsure ou griffure animale (chat, chien) peut être dû à Pasteurella multocida, Neisseria meningitidis.
- En cas de morsure humaine, les bactéries responsables sont des germes anaérobies buccaux des Streptococcus viridans, Eikenella corrodens, et S. doré.
- En cas d’immunosuppression,
- des germes atypiques comme des Mycobactéries atypiques
- mais aussi Escherichia Coli, Pseudomonas aeruginosa, Nocardia
- des levures ou des champignons filamenteux
- des virus, varicelle herpès (VHZ, HSV)
Ces situations cliniques imposent l'hospitalisation.
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Quels examens ?
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Le diagnostic d'érysipèle se fait sur le tableau caractéristique clinique d' « une grosse jambe rouge aiguë fébrile », et aucun examen complémentaire n'est en principe recommandé.
Un bilan biologique retrouve un syndrome inflammatoire avec augmentation de la protéine CRP et une leucocytose (augmentation des globules blancs).
Il convient néanmoins de rechercher obligatoirement la porte d'entrée, et les facteurs favorisants.
Dès le diagnostic porté, il faut délimiter au feutre les contours du placard inflammatoire ou réaliser une photographie afin de suivre l'évolution.
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Quels traitements ?
pour l’érysipèle
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Le traitement de l'érysipèle consiste en une antibiothérapie par voie orale pendant 7 jours, en l'absence de critères de gravité, absence de comorbidité (présence d'autres maladies associées), et en présence de contexte social compatible.
Chez l'adulte
- Amoxicilline 50 mg/kg/j en 3 prises, maximum 6 g/jour pendant 7 jours.
- En cas d’allergie à la Pénicilline :
- Pristinamycine 1g × 3/j pendant 7 jours
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- Clindamycine 600mgx3/j jusqu'à 600 mg × 4 (pour un poids de plus de 100 kg) pendant 7 jours.
Chez l'enfant
- Amoxicilline-Acide clavulanique : 80 mg/kg/j d'Amoxicilline en 3 prises/j (maximum 3 g/j) pendant 7 jours.
- En cas d’allergie à la Pénicilline :
- Clindamycine 40 mg/kg/j en 3 prises (enfants de plus de 6 ans) pendant 7 jours.
- Sulfamethoxazole-trimethoprime : 30 mg/kg/j en 3 prises pendant 7 jours.
Dans le cas particulier d'érysipèle après morsure
Le traitement recommandé est :
- Amoxicilline-Acide clavulanique 1g 3 fois par jour pendant 7 jours.
- s'il s'agit de la maladie du rouget du porc Amoxicilline per os 5 mg /kg/j pendant 7 jours.
Si l'infection est liée aux soins ou exposition aquatique ou toxicomane IV, un avis spécialisé s'impose.
Cas particulier de grossesse ou d'allaitement chez la femme
Selon les recommandations du CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes) il est possible d'utiliser l'Amoxicilline quel que soit le terme de la grossesse à posologie efficace. En cas de découverte d'une grossesse pendant le traitement, il n'y aucun risque malformatif de l'Amoxicilline, et le traitement pourra être poursuivi.
En cas d'allaitement le la quantité d'Amoxicilline ingérée via le lait est très faible, l'enfant recevant moins de 1% de la dose pédiatrique. L'usage de l'Amoxicilline est très répandu et bien toléré et donc possible en cas d'allaitement.
Dans tous les cas, il n'y a pas de place pour l'antibiothérapie locale.
Des mesures associées au traitement antibiotique
Sont à suivre :
- traitement de la porte d'entrée
- contention veineuse dès l'amélioration de la douleur
- repos et mise au repos du membre atteint. marche à l’aide de béquilles, jambe touchée en décharge, membre supérieur immobilisé (attelle), et en cas d'érysipèle de la face éviter au maximum de parler et de mastiquer en cas d’atteinte de la face péribuccale.
- mise à jour de la vaccination anti-tétanique
- contre-indication d'AINS ou corticoïde.
- il n'est pas conseillé d'anticoagulation systématique.
Le suivi de l'évolution de l'érysipèle doit être favorable à 48 h, sinon l’hospitalisation sera systématique.
L’évolution
L’évolution est habituellement favorable sous traitement,mais lente avec possible extension de la plaque dans les premières 24 heures.
La résolution complète est effective en une dizaine de jours sous forme d'une fine desquamation de la plaque.
La fièvre quant à elle disparaît dans les 48 ou 72 heures suivant le traitement antibiotique.
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Complications et critères de gravité
imposant une hospitalisation
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L’hospitalisation s'impose dans les cas de :
- résistance au traitement à 48 heures
- de comorbidités,
- d'obésité morbide,
- d'insuffisance rénale
- de traitement au long cours par corticoïdes ou AINS
- de contexte social défavorable
- de signes de gravité locaux (abcès) et/ou généraux, comme l'évolution vers une staphylococcie maligne de la face, de fasciite nécrosante, de cellulite notamment la gangrène gazeuse qui est à redouter devant des signes caractéristiques (DHB nécrosantes), altération de l'état général.
Une urgence médico-chirurgicale
L'existence d'un syndrome septique majeur, de crépitements, d'hypoesthésie (diminution anormale de sensation de douleur localement), parfois même état de choc avec signe de déficiences viscérales, nécessite une exploration chirurgicale en urgence avec imagerie (IRM) ; il s'agit de cas d'urgence médico-chirurgicale.
Un traitement à l'hôpital associant alors Pénicilline G ou Amoxicilline IV (et en cas d'allergie Vancomycine et Clindamycine sont l'alternative) 48 à 72h puis le relai par forme orale est préconisé.
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Prophylaxie
Le problème de l’érysipèle récidivant
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À propos des récidives de l'érysipèle
Les récidives sont fréquentes de l'ordre de 10 à 50% des cas, particulièrement chez les patients qui ont subi une adénectomie (ablation de ganglion) axillaire ou une chirurgie pour une néoplasie mammaire, mais aussi en cas de traitement incomplet ou la persistance de facteurs déclenchants ou favorisants.
Les récidives sont fréquentes aussi notamment chez les personnes présentant des plaies persistantes au niveau des jambes (ulcères). Pour les éviter, des séances de drainage lymphatique et le port de bas de contention peuvent être nécessaires.
L'hygiène doit être irréprochable pour limiter l'apparition de portes d'entrée cutanées.
Les facteurs de risque déjà cités étant les éléments les plus prédictifs d’une récidive, leur prise en charge doit être effective (lymphoedème, obésité, porte d'entrée) pour la prévention de la récidive.
Il est important de comprendre que l'érysipèle favorise la survenue d'oedème notamment lymphatiques qui lui-même est un facteur prédisposant à la survenue de l'infection.
L'antibioprophylaxie est à discuter si les facteurs de risque sont non contrôlables et après 2 épisodes dans l'année écoulée (chez l'adulte uniquement).
La durée du traitement de l'antibioprophylaxie sera évaluée en fonction de l'évolution des facteurs de risque de récidive.
Il existe des formes subaiguës où les signes généraux sont peu marqués voire absents. Dans ce cas le diagnostic repose sur le placard érythémateux inflammatoire et sa bonne évolution sous traitement antibiotique.
Quel est le traitement antibioprophylaxie ?
Deux possibilités :
- Benzathine-benzylpénicilline Benzathine-benzyl-pénicilline G (retard) : 2,4 MUI IM toutes les 2 à 4 semaines
ou
- Pénicilline V (phénoxyméthylpénicilline) : 1 à 2 millions UI/j selon le poids en 2 prises
En cas d'allergie à la Pénicilline :
- Azythromycine 250 mg /j
Quelle est la durée du traitement prophylactique ?
Elle est à évaluer en fonction des facteurs de risque de récidive.
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L’essentiel à retenir
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- La dermohypodermite bactérienne non nécrosante (DHBNN) anciennement mais toujours appelée érysipèle est une infection essentiellement streptococcique de survenue soudaine sous forme d'un tableau pseudo grippal avec fièvre associée un placard érythémateux limité par un bourrelet d'evolution extensive. Il s'agit du tableau bien connu de « la grosse jambe rouge aiguë fébrile »
- L'affection se rencontre surtout chez l'adulte de plus de 40 ans, concerne le visage ou un membre inférieur.
- L'infection se transmet à la faveur d'une porte d'entrée qui permet au Streptocoques de traverser la barrière cutanée. Cette porte d'entrée doit être impérativement retrouvée et traitée sous peine de récidive ou même complications.
- Il existe des facteurs de risque bien connus divers et variés, qu' il est important d'identifier, certains conditionnant l'hospitalisation.
- Le traitement consiste en un traitement antibiotique en premier lieu Amoxicilline per os (voie orale) ramené à 7 jours selon les dernières recommandations.Les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les corticoïdes sont contre indiqués, risquant clairement l'aggravation du tableau infectieux.
- En présence de signes de gravité, hospitalisation immédiate car il s’agit d’une urgence médico-chirurgicale avec mise en jeu du pronostic vital.
- Le risque d'érysipèle récidivant, loin d'être rare implique une antibioprophylaxie à discuter si les facteurs de risque sont non contrôlables et après 2 épisodes dans l’année écoulée (uniquement chez l’adulte). La durée varie en fonction de l’évolution favorable ou non des facteurs de risque de récidive.
- Cette affection suggère donc une prise en charge sérieuse et globale associant le traitement des facteurs de risque quand ils existent au traitement antibiotique.
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Références
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