désertification médicale  : situation
Logo SFDermato-Info
Tout
sur la peau,
c'est
dermato-info !
Logo de la Société Française de Dermatologie
Accueil ACTUALITÉS ENCYCLOPÉDIE TUTOS

Prise en charge de la pédiculose du cuir chevelu en 2019 en France

communiqué

Paris, le 04 novembre 2019
mise au point pédiculose en France, 2019

Mise au point

Les traitements anti-poux sont devenus un marché commercial important, échappant à l’évaluation thérapeutique sérieuse des produits/stratégies utilisés. Il existe désormais une multiplication des produits, disponibles en pharmacie ou non, et de centres privés anti-poux, rendant le choix des patients/clients difficile.

Quelques éléments factuels

  • Seuls les sujets véritablement infestés (présence de poux vivants) doivent être traités, idéalement simultanément (famille, classe, …). Il existe un « fardeau » de la pédiculose du cuir chevelu justifiant sa prise en charge efficace : prurit, impétigo, cauchemars, phobie, absentéisme scolaire ou professionnel, coût, état épidémique avec ré-infestation fréquente dans les lieux de vie des sujets atteints (crèches, écoles …).
  • Au sein des traitements anti-poux, il existe des stratégies médicamenteuses et des stratégies non médicamenteuses.
  • Parmi les stratégies médicamenteuses, les insecticides ont acquis le statut de médicament antiparasitaire avec une autorisation de mise sur le marché (AMM), mais ne sont pas remboursés par la Sécurité Sociale dans cette indication. Le malathion a été retiré du marché en 2018 par le fabricant à la suite des restrictions d’indications voulues par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), considérant ses risques. Les pyrèthres sont disponibles, mais associés à une possible résistance.
  • La diméthicone est considérée comme un dispositif médical et non comme un médicament, et à ce titre avec moins d’exigence réglementaire. Elle est considérée comme « écologique », tout comme les produits « naturels » tels que les huiles essentielles. Cependant, l’efficacité de ces produits est souvent mal démontrée ou inférieure à celle des insecticides (dans les essais contrôlés randomisés) et les risques mal évalués ou peu connus.
  • Le « Bug Busting » ou élentage répété après la mise en place d’un démêlant constitue une technique de référence en Angleterre. Une source de chaleur y est parfois associée. Cette technique nécessite une excellente observance car l’afficacité est corrélée à la répétition quotidienne pendant plusieurs jours.
  • L’ivermectine per os à double dose a fait l’objet d’un essai contrôlé randomisé montrant une efficacité supérieure au malathion lotion, mais n’a pas l’AMM dans cette indication. Dans tous les cas, elle devrait être d’utilisation exceptionnelle, proposée par les médecins uniquement dans les cas de résistances avérées.
  • L’ivermectine locale n’a pas l’AMM pour le traitement anti-poux (contrairement aux USA) et son usage intempestif pourrait favoriser la résistance.
  • Les galéniques proposées ne sont pas toutes adaptées au traitement anti-poux, les lotions devant être privilégiés et les shampoings abandonnés, tandis que les sprays sont contre-indiqués dès lors qu’il y a un contexte d’asthme/bronchiolite asthmatiforme.
  • Une revue systématique des traitements anti-poux (méthode de recherche de toutes les études ayant trait au sujet et en sélectionnant celles ayant un niveau de preuve (confiance) élevée) est en voie de finalisation et devrait permettre de hiérarchiser en partie les choix thérapeutiques (et de servir de base à une éventuelle future recommandation).

Pour l’heure, l’absence de comparaison directe entre les produits et dispositifs, le statut différent des produits anti-poux, l’existence de résistance aux pyrèthres, l’absence d’AMM pour l’ivermectine per os et le risque d’émergence de résistance après l’utilisation trop importante d’ivermectine locale, rendent compliqué le choix des patients/clients. La population exposée –les enfants- et l’absence en France de CNR (Centre national de références) « Ectoparasitoses » (pour la surveillance épidémiologique et parasitologique, notamment de la résistance) complexifient encore davantage la décision.

C’est dans ce contexte que fleurissent les entreprises fabriquant des produits anti-poux (non évalués comme des médicaments pour l’essentiel) et les salons anti-poux et lentes. Ils surfent sur le dégoût des familles pour ces parasites, la population touchée essentiellement pédiatrique, l’absence de prise en compte sérieuse de la pédiculose du cuir chevelu par les autorités de santé et les médecins (tant pour les sujets infestés que pour les lieux de vie comme les crèches ou les classes), la facilité de l’autodiagnostic et de l’accès aux « traitements » proposés, souvent avec un marketing poussé en rapport avec les enjeux financiers.


Auteurs

Texte écrit par le Professeur O. Chosidow, AP-HP, Service de Dermatologie, Hôpital Henri-Mondor, Université Paris-est Créteil. Président du Groupe Infectiologie Dermatologique et Infections Sexuellement Transmissibles (GrIDIST) de la Société Française de Dermatologie.

logo groupe idist SFD

Relecture par les Docteurs Charlotte Bernigaud (AP-HP, Henri-Mondor, Créteil), Giao Do-Pham (CHIC, Créteil) et Arezki Izri (AP-HP, Avicenne, Bobigny).

Bibliographie

Sarah J. Coates, MD, Cristina Thomas, MD, Olivier Chosidow, MD, Daniel Engelman, MD, Aileen Y. Chang, MD. Part II – Ectoparasites: Pediculosis and Tungiasis. Journal of the American Academy of Dermatology, sous presse.


Télécharger en PDF

Partenaires institutionnels