IV. Les traitements
1. Soins quotidiens
Pour mieux contrôler la rosacée, il est essentiel d’identifier et d’éviter les facteurs qui aggravent les symptômes.
- Évitez autant que possible les facteurs déclenchants identifiés chez vous. Ils peuvent être très variés : produits cosmétiques, aliments, boissons, médicaments ou efforts physiques intenses etc.
- Protégez-vous du soleil : évitez l’exposition directe et utilisez des mesures physiques de protection contre les UV (chapeau, lunettes de soleil).
- Utilisez une crème solaire qui protège à la fois contre les UVA et les UVB, avec un indice de protection (SPF) élevé.
- Nettoyez votre visage avec un produit doux, sans savon, à rincer à l’eau tiède, puis séchez sans frotter, en tamponnant délicatement.
- Appliquez une crème hydratante non irritante, légère, qui n’obstrue pas les pores.
- En cas de rougeurs, les cosmétiques légèrement teintés en vert ou en jaune peuvent aider à les atténuer visuellement.
- Si vous souhaitez utiliser du maquillage, choisissez des produits non gras, comme des fonds de teint ou correcteurs spécialement formulés pour les peaux sensibles.
Ce qu’il vaut mieux éviter :
- Le maquillage waterproof, qui est plus difficile à retirer et ainsi irritant pour la peau.
- Les lotions ou toniques astringents, surtout s’ils contiennent de l’alcool, du menthol, de la lavande, de la menthe poivrée, du camphre, de l’hamamélis ou de l’huile d’eucalyptus.
- Les produits contenant du sodium lauryl sulfate, des parfums, des acides de fruits ou de l’acide glycolique, qui peuvent être trop agressifs.
- Les frottements, les gommages ou les peelings, y compris les éponges, les crèmes exfoliantes ou les gants de toilette, qui risquent d’irriter davantage la peau.
2. Le traitement des formes vasculaires
Le traitement par lasers
Les lasers permettent de réduire efficacement les rougeurs et les vaisseaux dilatés visibles (télangiectasies) associés à la rosacée. Ils pourraient aussi contribuer à limiter les récidives. Les progrès techniques récents ont amélioré leur efficacité et leur tolérance, notamment pour traiter la couperose et l’érythrose. Plusieurs types de lasers peuvent être utilisés selon la profondeur, la taille des vaisseaux et le type de peau. Le choix du laser dépend de l’évaluation clinique et de l’expérience du praticien. Les séances doivent être réalisées sur une peau non bronzée, de préférence pendant la saison hivernale.
Le laser KTP
Le laser KTP est utilisé depuis longtemps pour traiter la couperose. Il fonctionne par photo-coagulation et se reconnaît à son faisceau de couleur verte. Il est particulièrement efficace sur les petits et moyens vaisseaux, mais reste moins utile pour l’érythrose diffuse.
Après une séance, des rougeurs et parfois un œdème peuvent apparaître et durer d’un à trois jours. De petites croûtes peuvent aussi se former temporairement sur les zones traitées. Il faut généralement prévoir une à quatre séances la première année, puis des séances d’entretien chaque année.
Le laser à colorants pulsés
Les lasers à colorant pulsés sont aussi utilisés depuis de nombreuses années et ont fait leur preuve dans le traitement de la rosacée.
Il peut fonctionner selon deux modes : la thermo-coagulation et la photo-thermolyse.
- En mode thermo-coagulation, il convient aux formes légères de couperose et nécessite souvent trois à quatre séances. Les rougeurs post-séance sont modérées et disparaissent en quelques jours.
- En mode photo-thermolyse, il est utilisé pour les formes plus marquées. Ce traitement est plus puissant et entraîne l’éclatement des vaisseaux, ce qui permet de limiter le nombre de séances à une ou deux. En revanche, il provoque des taches violacées (purpura) qui peuvent persister jusqu’à trois semaines, imposant fréquemment une éviction sociale temporaire.
Ces deux modes peuvent être combinés au cours d’une même séance selon les besoins.
Le laser Nd : Yag
Le laser Nd:YAG, plus récent, utilise une longueur d’onde plus élevée. Il est particulièrement adapté aux vaisseaux plus larges et profonds, souvent de couleur bleue. Il est donc utilisé pour les formes de rosacée plus profondes et parfois aussi pour améliorer l’érythrose. Les effets secondaires sont similaires à ceux des autres lasers, avec rougeurs et croûtelles pendant quelques jours. Il faut en général deux à quatre séances pour obtenir un bon résultat.
Brimonidine 2 % gel
La brimonidine en gel dosé à 2 % est un traitement local destiné aux formes modérées à sévères de rosacée avec érythème. Il s’agit d’un vasoconstricteur qui réduit temporairement les rougeurs. L’effet commence environ 30 minutes après l’application et dure plusieurs heures. L’application se fait une fois par jour, avec une petite quantité de produit (un gramme réparti en cinq points sur le visage). Ce traitement peut toutefois entraîner des effets secondaires fréquents comme des rougeurs paradoxales, des démangeaisons, des sensations de brûlure ou encore des flushes avec œdème, pouvant survenir peu après l’application ou plusieurs heures plus tard. Il est donc conseillé de commencer par un essai sur une petite zone du visage avant une application complète. Ces réactions limitent souvent son utilisation.
Il est important de noter que ce traitement n’a pas d’effet sur les vaisseaux visibles et qu’il n’est pas remboursé par l’Assurance maladie.
3. Des traitements spécifiques des formes papulo-pustuleuses
Les formes papulo-pustuleuses sont responsables d’un fort impact esthétique. Différents moyens thérapeutiques existent, avec une efficacité variable et un risque de rechute à l'arrêt, quel que soit le traitement envisagé.
Le métronidazole à 0,75 % est disponible en crème, gel ou émulsion (le dosage à 1 % est possible en préparation magistrale). C’est un antiparasitaire ancien, connu et efficace dans les formes débutantes de rosacée papulo-pustuleuse. Il s’utilise en application deux fois par jour, pendant deux à trois mois en moyenne, selon la sévérité et l’ancienneté des lésions. Ce médicament est contre-indiqué en cas d’antécédents d’allergie au métronidazole ou à l’un des composants de la formulation. Il permet de réduire significativement le nombre de pustules et de papules, et améliore partiellement les rougeurs.
L’acide azélaïque à 15 %, a une action anti-inflammatoires et peut ainsi être utile pour le traitement des papulo-pustules et avoir un effet bénéfique sur les rougeurs. Il s’applique matin et soir. Les effets indésirables possibles sont un asséchement de la peau, des sensations de brûlure ou des démangeaisons.
L’adapalène 0,1 %, en gel ou crème, est un dérivé des rétinoïdes également utilisé pour traiter l’acné. Il est efficace sur les lésions papulo-pustuleuses mais son utilisation est limitée par le risque d’irritation, peu souhaitable sur une peau déjà sensible.
L’ivermectine 10 mg en crème est un traitement plus récent utilisé chez l’adulte dans les formes inflammatoires de la rosacée. C’est un antiparasitaire ayant une action anti inflammatoire et ciblant notamment le Demodex folliculorum. Il s’applique une fois par jour, le soir, en couche fine, en évitant les yeux, les lèvres et les muqueuses. Il est prescrit jusqu’à 4 mois, mais doit être arrêté en cas d’absence d’amélioration après 3 mois. Les effets indésirables les plus fréquents sont des sensations de brûlure, des irritations, des démangeaisons ou une sécheresse de la peau. Ce traitement n’est pas remboursé par la sécurité sociale.
D’autres traitements topiques comme le phosphate de clindamycine, la trétinoïne ou le peroxyde de benzoyle, habituellement utilisés contre l’acné, peuvent également être efficaces dans la rosacée papulo-pustuleuse. Ils constituent des alternatives en cas d’intolérance ou d’inefficacité des traitements habituels.
Les cyclines par voie orale (notamment la doxycycline et la lymécycline, toutes deux de la famille des tétracyclines) sont indiquées dans les formes de rosacée papulo-pustuleuses résistantes ou récidivantes après un traitement local correctement conduit ou en cas d’intolérance à ces derniers.
La doxycycline est utilisée à la même dose que pour le traitement de l’acné, généralement à raison de 100 mg par jour le soir au moment du repas, jusqu’à trois mois. Dans le cas de la rosacée papulo-pustuleuse, ce médicament est prescrit non pour ses propriétés antibactériennes, mais pour sa forte action anti-inflammatoire sur la peau.
Il ne doit pas être utilisé en cas d’allergie aux tétracyclines, ni chez la femme enceinte et chez les enfants de moins de 8 ans. Il est contre-indiqué en association avec les rétinoïdes, une autre classe de médicaments parfois utilisée contre l’acné.
Les cyclines rendent la peau plus sensible au soleil, ce qui limite leur usage en été. Une intolérance digestive, notamment œsophagienne ou gastrique, peut également survenir, bien que cela reste rare. Les cyclines orales sont souvent associées à un traitement topique.
L’isotrétinoïne à faible dose est envisagée en cas de résistance aux cyclines orales ou de récidives fréquentes après l’arrêt de ces dernières. Son action anti-inflammatoire, associée à l’inhibition de l’activité des glandes sébacées qu’elle induit, ainsi qu’une possible action propre sur la prolifération du Demodex, expliquent son efficacité dans la rosacée papulo-pustuleuse. Une étude menée en France a d’ailleurs permis de démontrer son efficacité dans cette forme de rosacée (réduction d’au moins 90 % du nombre de papules/pustules évaluée après 4 mois de traitement chez 57,4 % des patients versus 10,4 % avec le placebo).
Ce traitement nécessite un suivi dermatologique et des bilans biologiques réguliers, en raison de ses possibles effets secondaires. Chez les femmes en âge de procréer, une contraception efficace est obligatoire, en raison du risque de malformations graves pour le fœtus (effet tératogène). Un test de grossesse mensuel est requis pour autoriser la délivrance du médicament.
Pour la rosacée papulo-pustuleuse, il est prescrit à une dose plus faible que pour l’acné, autour de 0,25 mg/kg/j, jusqu’à 4 mois, afin de tenter d’obtenir une rémission des symptômes ou de « passer un cap » dans la prise en charge, permettant de revenir à un traitement local efficace. Une protection solaire rigoureuse est aussi indispensable. À cette dose, la tolérance est généralement bonne et ce traitement donne souvent de très bons résultats.
En cas de forme compliquée, telle que le pyoderma facial, il est nécessaire d’associer une corticothérapie générale pendant plusieurs semaines à l’isotrétinoïne à faible dose (
4. Traitement du rhinophyma
Le traitement médical du rhinophyma a été peu étudié.
Les doxycyclines peuvent être proposées dans les formes débutantes, principalement en cas d’association à une atteinte papulo-pustuleuse.
L’isotrétinoïne est parfois prescrite en raison de son action à la fois anti-inflammatoire et de son inhibition de l’activité des glandes sébacées. Cela aidera potentiellement à freiner l’évolution du rhinophyma notamment dans les formes modérées, mais peu de données concrètes sur son efficacité dans cette indication existent.
Lorsque l’épaississement de la peau est trop important, la chirurgie ou le laser CO2 deviennent nécessaires. Ces interventions visent à retirer l’excès de tissu cutané pour restaurer l’ apparence et les contours du nez. Elles se déroulent sous anesthésie locale ou générale et peuvent améliorer significativement l’aspect esthétique et la qualité de vie des patients.
5. Traitement de la rosacée oculaire
Lorsque l'œil est atteint, le traitement des lésions oculaires associées à la rosacée repose principalement sur l’utilisation de larmes artificielles, une bonne hygiène des paupières et l’occlusion des points lacrymaux.
Un massage des glandes de Meibomius, destiné à vider ces glandes, est souvent recommandé car très efficace :
- Appliquer une compresse imbibée d’eau tiède sur les paupières pendant 5 minutes. La chaleur permet de liquéfier l’huile sécrétée par les glandes, facilitant ainsi son évacuation.
- Ensuite, placer fermement le majeur de la main droite sur la joue droite et, avec l’index, masser la paupière inférieure droite de bas en haut. Ce geste aide à extraire l’huile contenue dans la paupière vers l’extérieur. Pour optimiser cette extraction, il est conseillé de regarder vers le haut.
- Ce massage doit couvrir l’ensemble de la paupière afin de libérer les 20 à 30 glandes situées sur chaque paupière.
- Répéter la même procédure pour la paupière supérieure puis pour l’œil gauche.
- Après le massage, rincer abondamment l’œil avec du sérum physiologique sans conservateurs afin d’éliminer l’huile extraite des glandes.
Pour commencer, il est important d’effectuer ce massage deux fois par jour, matin et soir. Après une semaine, les glandes devraient être désobstruées. Par la suite, deux à trois massages hebdomadaires, espacés régulièrement, suffisent généralement. Ce rétablissement de la fonction de lubrification contribue à faire disparaître la sécheresse oculaire, l’inflammation des paupières (blépharite) ainsi que la conjonctivite parfois associée. Les yeux deviennent alors moins rouges.
Cependant, ces massages ne suffisent pas toujours à contrôler efficacement la rosacée oculaire. Dans certains cas, un traitement médicamenteux doit être associé. La doxycycline est alors le traitement de référence, car elle agit efficacement sur la plupart des symptômes (blépharite, conjonctivite, sécheresse oculaire).
En cas de complications cornéennes, des antibiotiques topiques peuvent être prescrits, tels que l’acide fusidique en gel ophtalmique, la tétracycline en collyre, les fluoroquinolones en collyre ou pommade, ainsi que le métronidazole à 0,75 % en gel.
La prise en charge des formes oculaires sévères et très symptomatiques relève du spécialiste en ophtalmologie.
info Dermocorticoïdes et rosacée - ce qu’il faut savoir
Les corticoïdes sont des médicaments anti-inflammatoires puissants, souvent utilisés en dermatologie. Cependant, leur usage sur le visage doit être très encadré, car ils peuvent aggraver ou même provoquer une rosacée.
Deux situations principales :
- Aggravation de la rosacée existante
L’application de corticoïdes sur une peau déjà atteinte de rosacée peut aggraver les symptômes.
- Rosacée stéroïdienne (induite par les corticoïdes)
Cette forme apparaît suite à l’utilisation prolongée et répétée de corticoïdes puissants sur le visage. Elle se manifeste par une rougeur persistante, une desquamation des joues, de nombreuses petites dilatations visibles des vaisseaux, ainsi que de nombreuses papules et pustules.
L’utilisation de corticoïdes sur le visage doit donc être limitée dans le temps et toujours sous surveillance médicale. En général, seuls les corticoïdes dits « faibles » sont autorisés sur le visage. L’usage chronique de corticoïdes peut provoquer une rosacée en raison de leur effet vasoconstricteur local, qui perturbe la peau sur le long terme.