VI. Les traitements de l’hidradénite suppurée

À ce jour, il n’existe pas de traitements médicamenteux permettant une guérison définitive. Néanmoins, la combinaison simultanée ou successive de traitements médicaux et chirurgicaux peut améliorer les symptômes des patients. 

Seul la chirurgie d’exérèse large, c’est-à-dire l’ablation complète des zones touchées, peut conduire à une guérison durable.

Il n’existe pas d’études de fort niveau de preuve permettant de guider les choix thérapeutiques. Le choix du traitement dépend du type de lésions, de leur localisation, de leur nombre et de leur gravité.

1. Mesure hygieno dietetiques

L’arrêt complet du tabac est fortement recommandé, car le tabagisme constitue un facteur aggravant de la maladie. En revanche, il ne semble pas augmenter le risque de complications post-opératoires ni retarder la cicatrisation après une chirurgie d’une HS. Le tabagisme ne doit donc pas être un frein à la prise en charge chirurgicale des patients.

Le contrôle du surpoids et du syndrome métabolique est également essentiel. Une alimentation pauvre en sucres peut aider à améliorer les symptômes. Chez certains patients, l’exclusion des produits laitiers a aussi permis une amélioration des lésions. Ces mesures doivent être adaptées individuellement, et peuvent faire l’objet d’un accompagnement nutritionnel spécialisé.

2. Le traitement médical 

Les antibiotiques sont le traitement de première intention dans l’hidradénite suppurée, même si leur efficacité n’a pas été évaluée dans des études comparatives à grande échelle.

  1. Dans les formes légères et peu récidivantes, des traitements antibiotiques en courte cure peuvent améliorer les poussées aigues d’HS. Selon les recommandations françaises, chez les patients présentant une forme peu sévère (stade Hurley I) avec moins de 4 poussées par an, un traitement ponctuel par antibiotique (par exemple amoxicilline-acide clavulanique ou pristinamycine pendant 7 jours) peut être proposé. En cas de nodule douloureux avec abcès, une incision peut permettre de soulager rapidement la douleur, mais une intervention chirurgicale plus complexe n’est pas recommandée à ce stade.
  2. Dans les formes récidivant plus fréquemment ou chroniques, l’objectif est de réduire l’inflammation et la fréquence des poussées, afin de stabiliser la maladie en vue d’un éventuel traitement chirurgical. Pour les formes modérées à sévères (stades Hurley I avec au moins 4 poussées par an, ou Hurley II ou III), un traitement de fond par antibiotiques sur plusieurs mois est souvent prescrit. Il peut s’agir de doxycycline, de lymécycline ou de cotrimoxazole, avec une réévaluation généralement au bout de six mois.
  3. Dans les formes sévères ou très inflammatoires, des antibiothérapies à plus large spectre ou combinées peuvent être nécessaires, toujours sous surveillance médicale.

Chez certains patients, les antibiotiques n’ont pas une efficacité durable et des récidives peuvent survenir rapidement à l’arrêt des antibiotiques. Dans ce cas, il peut être nécessaire d’intensifier la prise en charge en ayant recours à des biothérapies, c’est-à-dire à des traitements ciblant des mécanismes précis de l’inflammation.

Plusieurs biothérapies ont actuellement une autorisation de mise sur le marché et un remboursement dans cette indication et peuvent donc être envisagées : il s’agit de l’adalimumab, du sécukinumab et du bimékizumab. Les recommandations européennes positionnent au même niveau ces 3 molécules en cas d’échec au traitement antibiotique.

Le choix du médicament dépendra de plusieurs facteurs : antécédents médicaux, autres maladies associées, tolérance du traitement et préférences du patient (fréquence et mode d’administration).

Adalimumab :

L’adalimumab est administré par injection sous-cutanée : 160 mg le premier jour, 80 mg au jour 15, puis un traitement d’entretien à 80 mg toutes les deux semaines ou 40 mg chaque semaine. Dans des études cliniques (PIONEER 1 et 2), entre 42 et 59 % des patients ont obtenu une réduction significative des lésions inflammatoires après 12 semaines. Si aucune amélioration n’est observée (moins de 25 %), le traitement est arrêté. Si l’amélioration est partielle (entre 25 et 50 %), une poursuite du traitement pendant 3 mois supplémentaires peut être envisagée, car certains patients répondent plus lentement. En cas de rechute, la fréquence d’injection peut être temporairement augmentée.

Sécukinumab :

Le sécukinumab est administré à la dose de 300 mg par semaine aux semaines 0, 1, 2, 3, 4, puis toutes les 4 semaines en entretien. Cette posologie peut être augmentée à une injection toutes les deux semaines selon la réponse du patient. Dans les études mesurant son efficacité (SUNRISE et SUNSHINE), environ 42 à 45 % des patients ont montré une amélioration significative (baisse de 50 % des nodules et abcès sans augmentation des fistules) à 16 semaines. L’efficacité se poursuit jusqu’à 1 an pour de nombreux patients. Les effets indésirables les plus fréquents sont les maux de tête et les infections à Candida (levures), en général bénins.

Bimékizumab :

Le bimékizumab est administré à la dose de 320 mg (en une ou deux injections sous-cutanées) toutes les 2 semaines pendant 16 semaines, puis toutes les 4 semaines en traitement d’entretien. Dans les études mesurant son efficacité (BE HEARD I et II), environ 48 à 52 % des patients ont obtenu une amélioration significative des lésions (baisse de 50 % des nodules et abcès sans augmentation des fistules) à 16 semaines.

Autres options :

Chez certains patients ne répondant pas à ces traitements, d’autres biothérapies peuvent être envisagées. L’infliximab, un autre médicament ciblé, a montré un intérêt dans des études en vie réelle, notamment à doses plus élevées administrées toutes les quatre semaines.

Enfin, de nouvelles pistes thérapeutiques sont actuellement en cours d’étude, comme les inhibiteurs des JAK (Janus kinases), qui pourraient offrir à l’avenir de nouvelles options de traitement.

3. La Chirurgie

La chirurgie est à ce jour le seul traitement curatif de l’hidradénite suppurée. Elle est particulièrement indiquée dans les formes non inflammatoires, et peut être réalisée sans interrompre une éventuelle biothérapie en cours. La chirurgie ne doit pas être considérée uniquement comme une solution de dernier recours après l’échec des traitements médicamenteux, mais comme une composante à part entière de la stratégie de prise en charge.

Le choix de l’intervention chirurgicale dépend du type de lésions présentes. En pratique, la présence de fistules implique, à court ou moyen terme, le recours à la chirurgie, souvent après un traitement médical préalable. L’intervention peut être localisée ou plus étendue selon l’atteinte.

On distingue deux grands types d’intervention :

La chirurgie en urgence

Elle consiste à drainer un nodule abcédé ou un abcès afin d’agir rapidement sur la douleur mais si possible sans incision. Une injection intra lésionnelle de corticoïdes retards peut être associée avec des résultats intéressants.  On évitera autant que possible les chirurgies plus invasives (mise à plat chirurgicale ou une chirurgie localisée) en situation d’urgence

La chirurgie programmée 

Elle est indiquée en présence de fistules, incluant le sinus pilonidal. Elle peut consister en une exérèse localisée, une marsupialisation ou deroofing, ou une chirurgie large excisant les zones touchées au-delà des follicules pileux. 

L’étendue de l’intervention dépend du caractère localisé ou diffus des lésions. Cette chirurgie nécessite une bonne coordination entre les équipes médicales et chirurgicales, et doit idéalement être menée par des praticiens expérimentés. Elle est généralement planifiée après un traitement médical prolongé, souvent à base d’antibiotiques ou de biothérapies, afin de réduire l’inflammation avant l’opération.


Technique de marsupialisation (ou « deroofing »)

Cette méthode consiste à ouvrir les fistules à l’aide d’un bistouri, d’un bistouri électrique (technique STEEP) ou d’un laser CO2, en suivant leur trajet avec un stylet. Réalisable sous anesthésie locale, elle est adaptée aux formes peu étendues. Elle est aussi préconisée selon l’expérience des auteurs pour les formes superficielles atypiques situées hors des plis et résistantes aux traitements médicaux.

Les suites opératoires sont en général simples, avec une cicatrisation en deux à trois semaines. 

Exérèse chirurgicale large

Ce type de chirurgie est le traitement de référence pour les formes les plus avancées de la maladie, en particulier les formes dites Hurley stade 3. Ces formes se caractérisent par une importante zone cicatricielle, souvent épaisse et étendue. L’intervention consiste à retirer en une seule fois tous les tissus atteints, en allant parfois en profondeur sous la peau, selon l’ampleur des lésions. Une IRM peut être réalisée avant l’opération pour repérer les zones atteintes en profondeur et mieux planifier la chirurgie.

Cicatrisation dirigée

Dans les zones de pli (comme les aisselles ou l’aine), on privilégie une méthode de cicatrisation appelée « dirigée ». Elle permet à la peau de se réparer naturellement en formant progressivement un nouveau tissu sain. La fermeture complète de la plaie prend généralement entre 6 et 8 semaines. Si la peau se rétracte trop pendant la cicatrisation, une petite greffe de peau peut parfois être nécessaire. Cette méthode présente l’avantage de limiter les cicatrices supplémentaires.


Ces exérèses larges permettent d’améliorer significativement la qualité de vie de 70% des patients qui sont le plus souvent satisfaits des résultats cosmétiques. 

4. Les Lasers

L’épilation au laser (Nd-YAG long pulse à privilégier) est possible et conseillée pour les formes débutantes de maladie de Verneuil notamment quand il existe une folliculite superficielle mais le cout reste en grande partie à la charge des patients. 

Ce type de laser peut aussi être utilisé dans les formes débutantes de sinus pilonidal et diminue le risque de récidive après chirurgie.

info L’hidradénite suppurée chez l’enfant et l’adolescent

L’hidradénite suppurée débute généralement à l’âge adulte, mais elle peut aussi concerner les enfants et les adolescents. Cette forme pédiatrique représente entre 2,2 % et 12,5 % des cas. Comme chez l’adulte, les filles sont plus fréquemment touchées.

Chez les jeunes patients, le risque de syndrome métabolique est significativement augmenté, jusqu’à 12 fois plus élevé que dans la population générale. On observe aussi une fréquence accrue de troubles métaboliques tels que les dyslipidémies (excès de graisses dans le sang), le prédiabète et le diabète.

La maladie a également un fort retentissement psychologique. Jusqu’à 34 % des enfants et adolescents présentent des signes d’anxiété, et jusqu’à 19 % souffrent de dépression. L’acné, en particulier l’acné conglobata, est fréquemment associée à l’HS. 

Environ 5 % des jeunes patients présentent aussi une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI).

Sur le plan thérapeutique, certains traitements sont contre-indiqués chez l’enfant, comme la doxycycline avant l’âge de 8 ans. Lorsque les traitements classiques ne suffisent pas, des biothérapies peuvent être envisagées, comme chez l’adulte. À ce jour, l’adalimumab est la seule biothérapie ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les enfants de 12 ans et plus, pesant au moins 30 kg. La chirurgie reste une option plus rarement proposée dans cette population.