II. Physiopathologie de l’hidradénite suppurée 

La physiopathologie de l’hidradénite suppurée est complexe. Plusieurs mécanismes sont suspectés de contribuer à son développement. Il ne s’agit pas d’une seule cause, mais plutôt d’un ensemble de facteurs combinés.

1. Maladie du follicule pileux :

Les lésions apparaissent souvent dans des zones riches en glandes sudorales (les glandes sudorales apocrines), comme les aisselles ou l’aine. Cela, ainsi que le lien avec d’autres maladies touchant les follicules pileux, suggère que la maladie commence par un dysfonctionnement du follicule regroupant ces structures (le follicule pilo-sébacéo-apocrine). Ce serait son obstruction précoce qui déclencherait l’inflammation. Les glandes sudorales ne seraient touchées qu’ensuite, de manière secondaire.

2. Rôle de la flore cutanée :

L’HS n’est pas une maladie infectieuse au sens classique du terme, car aucun micro-organisme spécifique n’a été identifié comme agent responsable. Cependant, des études ont mis en évidence une altération de la flore cutané, appelée dysbiose. Cette dysbiose varie selon la sévérité de la maladie. Par ailleurs, l’amélioration des symptômes chez certains patients sous antibiothérapie renforce l’idée que la flore cutanée joue un rôle important.

3. Facteurs hormonaux :

De nombreuses femmes rapportent une aggravation des poussées juste avant les règles, ainsi qu’une amélioration pendant la grossesse ou après la ménopause. Certaines pathologies hormonales, comme le syndrome des ovaires polykystiques ou l’excès d’androgènes (hormones mâles), sont aussi plus fréquentes chez les patientes atteintes.

4. Susceptibilité génétique :

On estime que 30 à 40 % des patients ont des antécédents familiaux d’hidradénite suppurée. Des mutations affectant les gènes codant pour la γ-sécrétase ont été identifiées chez plusieurs personnes atteintes, notamment dans des formes familiales. Ce complexe enzymatique intervient dans le bon fonctionnement de la voie de signalisation NOTCH, essentielle pour la régulation de l’activité des follicules pileux et des glandes sudorales. Une altération de cette voie perturberait donc le fonctionnement normal de ces structures, favorisant le développement de la maladie. 

5. Anomalie de la réponse immunitaire :

L’efficacité des antibiotiques et de traitements immunosuppresseurs laisse penser que le système immunitaire (système de défense de l’organisme) réagit de manière excessive à la flore microbienne naturellement présente sur la peau dans l’HS. Les mécanismes immunitaire semblent ainsi déréglés et lorsque le follicule pilo-sébacé se bouche et se rompt, cela déclenche une réaction inflammatoire trop intense, libérant des substances inflammatoires comme les interleukines IL-17A et IL-17F. 

6. Rôle du tabac et du cannabis :

Le tabagisme apparaît comme un facteur déclenchant et aggravant bien établi. De nombreuses études rapportent un tabagisme actif chez les patients atteints d’hidradénite suppurée, parfois jusqu’à 90 % des patients atteints. Certains d’entre eux observent une nette aggravation de leur maladie lorsqu’ils augmentent leur consommation de tabac, et une amélioration après son arrêt. Le mécanisme précis reste incertain, mais la nicotine pourrait modifier le fonctionnement des glandes sudorales en stimulant d’abord leur sécrétion, puis en perturbant leur fonctionnement, ce qui favoriserait l’obstruction et l’inflammation.

7. Surpoids et syndrome métabolique :

Le surpoids et le syndrome métabolique sont aussi des facteurs fréquemment associés à l’HS. Ce syndrome, qui regroupe plusieurs troubles métaboliques comme l’obésité, l’hypertension artérielle, un taux élevé de sucre dans le sang et des anomalies lipidiques, est retrouvé chez 30 à 50 % des patients ayant une HS. L’obésité augmente non seulement la fréquence et la sévérité des poussées, mais aussi le risque de récidive après traitement. Une perte de poids significative améliore souvent les symptômes. Les mécanismes en jeu incluent l’inflammation chronique associée à l’obésité, les frottements mécaniques qui favorisent la rupture des follicules, ainsi que l’augmentation de la chaleur et de l’humidité dans les plis cutanés, ce qui perturbe l’équilibre de la flore cutanée. 

III. Autour de la maladie

Fréquence de la maladie

Sa prévalence, c’est-à-dire la proportion de personnes touchées dans la population, varie selon les études entre 0,05 % et 4,1 %.

Évolution

Elle débute en général chez l’adulte jeune, autour de 22 ans en moyenne. La maladie peut rester active pendant près de 20 ans. Chez les femmes, elle tend à s’atténuer après la ménopause, et des périodes de rémission sont parfois observées pendant la grossesse.

Scores

La classification de Hurley cote la sévérité de la maladie en 3 groupes (c’est un score statique) :

Grade I Grade IIGrade III
Abcès unique ou multiples sans fistule, ni processus cicatriciel fibreux. 

Abcès récidivants avec formation de fistules et de cicatrices hypertrophiques.

Lésions unique ou multiples séparées les unes des autres.

Atteinte diffuse, ou fistules interconnectées et abcès sur toute l’étendue de la zone atteinte.

Dans une étude française menée sur 302 patients, environ deux tiers étaient classés au stade I, correspondant à une forme légère. Un peu moins d’un tiers étaient au stade II, forme modérée. Moins de 5 % présentaient une forme sévère, correspondant au stade III.

Pour une évaluation plus précise et dynamique de l’évolution de la maladie, un autre outil est utilisé : le score IHS4 (International Hidradenitis Suppurativa Severity Scoring System). Il prend en compte le nombre de nodules inflammatoires, d’abcès et de tunnels drainants présents lors de la consultation. En fonction du score obtenu, la maladie est classée comme légère (score ≤ 3), modérée (score entre 4 et 10) ou sévère (score ≥ 11).

D’autres systèmes d’évaluation sont parfois utilisés, comme le score de Sartorius modifié ou l’échelle d’évaluation globale par le médecin (PGA).

Enfin, l’impact de la maladie sur le quotidien est évalué à l’aide du Dermatology Life Quality Index (DLQI), un questionnaire qui mesure combien la maladie altère la qualité de vie. Le suivi peut aussi inclure une évaluation de la douleur et de l’écoulement des lésions grâce à une échelle visuelle (EVA), ce qui permet d’adapter le traitement en fonction des symptômes les plus gênants pour le patient.

IV. Complications

L’hidradénite suppurée a un impact important sur la vie quotidienne, à la fois sur le plan social, professionnel et psychologique. Parmi les maladies de peau, elle fait partie de celles qui altèrent le plus la qualité de vie.

Les douleurs, les écoulements chroniques, les odeurs et les cicatrices peuvent entraîner une gêne marquée dans les relations personnelles, affectives ou au travail. Les personnes atteintes rapportent souvent une baisse de l’estime de soi, un sentiment de rejet ou de stigmatisation, et parfois un isolement. Le risque de troubles anxieux et de dépression est plus élevé chez ces patients.

L’inflammation chronique et répétée peut aussi entraîner un lymphœdème, c’est-à-dire un gonflement provoqué par un mauvais drainage de la lymphe. Ce phénomène peut toucher différentes zones du corps, en fonction des localisations atteintes.

Dans de rares cas, des lésions cancéreuses de type carcinomes épidermoïdes ont été observées après une évolution très prolongée de la maladie, en général au-delà de dix à vingt ans. Ces cas concernent surtout des hommes, avec des atteintes fessières.

V. Maladies associées

L’hidradénite suppurée peut être associée à d’autres maladies qui touchent également les follicules pileux. Parmi elles, on retrouve les folliculites, le sinus pilonidal, la folliculite disséquante du cuir chevelu. Le lien avec certaines formes d’acné, notamment l’acné conglobata, est encore discuté.

La maladie de Crohn représente à la fois une pathologie à différencier de l’hidradénite suppurée, en particulier dans ses formes anopérinéales, mais aussi une maladie fréquemment associée. Dans une étude portant sur 1093 patients atteints de maladie inflammatoire chronique de l’intestin, la prévalence de l’hidradénite suppurée a été estimée à 23 %.

Des atteintes articulaires inflammatoires peuvent également être présentes. Les personnes souffrant d’hidradénite suppurée présentent une fréquence plus élevée de rhumatismes inflammatoires chroniques par rapport à la population générale. Un lien particulier a été évoqué avec les spondylarthropathies, un groupe de maladies touchant la colonne vertébrale et les articulations, notamment la spondylarthrite ankylosante et le syndrome SAPHO. L’association à une spondylarthropathie a été estimée à environ 3,7 %.

De rares cas de pyoderma gangrenosum, une autre maladie inflammatoire de la peau, ont également été rapportés chez des patients atteints d’hidradénite suppurée. Dans certains cas exceptionnels, des syndromes auto-inflammatoires peuvent aussi être associés.

Lorsqu’on considère la diversité des formes cliniques et les nombreuses maladies associées, l’hidradénite suppurée peut être vue non seulement comme une maladie de la peau, mais comme un véritable syndrome regroupant plusieurs atteintes.

V. Examens complémentaires

Le diagnostic de l’hidradénite suppurée repose sur l’examen clinique, c’est-à-dire l’observation directe des lésions par le médecin. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire de manière systématique.

Certains examens peuvent être prescrits dans des situations particulières, par exemple en cas de surinfection ou avant la mise en place de certains traitements.

Par ailleurs, il est parfois recommandé de réaliser un bilan une fois par an afin de dépister d’éventuelles maladies associées, en particulier un diabète ou des anomalies des lipides sanguins afin de mieux évaluer les facteurs de risque cardiovasculaire associés.