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La prévention dans le domaine de la santé occupe aujourd’hui une place centrale dans notre société, et la surveillance des grains de beauté suscite de nombreuses interrogations.
Faut-il consulter un dermatologue de façon systématique tous les ans ?
Quand doit-on s’inquiéter ?
Que puis-je faire pour participer activement et efficacement à la surveillance de mes grains de beauté ?

Entre la nécessité de dépister et traiter les cancers de la peau et le risque de consultations non nécessaires contribuant à la saturation du système de soins, il convient de trouver un équilibre basé sur les données scientifiques actuelles.

I. Pourquoi le dépistage systématique du mélanome pose question ?

Le dépistage consiste à détecter une maladie avant l’apparition de symptômes, dans le cas du mélanome en repérant une lésion suspecte sur la peau. Des campagnes de dépistage de masse ont été menées pour tenter d’améliorer sa détection et, même si elles ont permis de diagnostiquer davantage de mélanomes, il s’agissait surtout de lésions à un stade précoce et aucune baisse durable de la mortalité n’a été observée. Le dépistage de masse identifie surtout des formes très précoces ou à évolution lente, qui n’auraient pas évolué vers un cancer grave. C’est ce qu’on appelle le surdiagnostic. Le dépistage généralisé mobilise beaucoup de médecins et de moyens alors que son efficacité reste limitée. Dans un contexte où les délais pour obtenir un rendez-vous en dermatologie sont déjà longs, cette approche pourrait même retarder la prise en charge des personnes les plus à risque. Ainsi, si le dépistage de toute la population ne semble ni souhaitable ni réalisable, un dépistage ciblé apparaît en revanche comme une option plus efficace.

II. Quand la consultation devient-elle nécessaire ?

1. Le repérage des lésions à risque par l'autosurveillance (surveillance faite par soi-même)

La première étape est valable pour l’ensemble de la population, indépendamment des antécédents médicaux et du type de peau. Il s’agit de repérer une lésion à risque.

Pour cela, chacun peut apprendre à surveiller sa propre peau et celle de son entourage. Cet auto-examen doit concerner l’ensemble du corps, y compris le cuir chevelu, les ongles, les plantes des pieds, les paumes des mains, les organes génitaux et la cavité buccale (intérieur de la bouche).
Il est nécessaire de le réaliser dans de bonnes conditions d’éclairage et de façon régulière. La prise de photo de certains grains de beauté peut aider à faciliter la surveillance et à détecter d’éventuels changements.

Pour les mélanomes c’est historiquement, la règle dite ABCDE qui est utilisée pour identifier une lésion dite à risque.

Le mélanome présente en général les critères suivants :

  • A pour Asymétrie : le mélanome est souvent asymétrique.
  • B pour Bords irréguliers : les bords sont souvent encochés, polycycliques.
  • C pour Couleur inhomogène : plusieurs couleurs sont présentes, allant du brun clair au noir foncé.
  • D pour Diamètre : le diamètre est généralement supérieur à 6 mm.
  • E pour Évolution : lorsqu’on observe un changement évident de la lésion au fil des mois.

À noter : aucun critère à lui seul n'est suffisant pour affirmer qu’il s’agit d’un mélanome, mais le critère ayant la valeur prédictive la plus forte est le E pour évolutivité

Certains patients ont de nombreux grains de beauté dits atypiques, qui répondent à plusieurs critères de la règle ABCDE. Chez ces patients une autre règle très utile est celle du « vilain petit canard ».

Cette règle est basée sur le fait que chez un sujet donné, tous les grains de beauté se ressemblent. Si l’un d’entre eux a un aspect différent des autres, ce «vilain petit canard» n’est peut-être pas un simple grain de beauté : il pourrait s’agir d’un mélanome et doit donc être examiné par un médecin.

Pour les carcinomes cutanés, il n’existe pas d’acronyme décrivant des critères spécifiques. Leur présence doit cependant être évoquée devant toute nouvelle lésion cutanée persistante au-delà de 4 à 6 semaines, en particulier si elle augmente de taille, s’ulcère, saigne ou est localisée sur une zone photo-exposée (visage, cou, avant-bras, mains). Cette lésion peut apparaître sur une peau jusque-là saine ou sur une zone présentant déjà des anomalies connues comme favorisant l’apparition de carcinomes cutanés (ancienne zone de radiothérapie, kératoses actiniques, cicatrices chroniques ou zones d’exposition solaire intense, par exemple). 

L’approche actuelle, qui fait l’objet d’une campagne de communication par la Société Française de Dermatologie en 2025, reprend ces éléments selon une règle simplifiée : la règle "CAN" valable pour l’ensemble des cancers cutanés (mélanomes et carcinomes cutanés). 

Il est recommandé de consulter en cas de tache, bouton ou grain de beauté présentant l'une des caractéristiques suivantes :

  • C pour Changeante : il peut s’agir d’un changement de taille, de forme ou de couleur de la lésion.
  • A pour Anormal : un grain de beauté différent des autres sur le corps. Les grains de beauté d’une même personne ont généralement tendance à se ressembler ; lorsqu’un d’entre eux est différent des autres (c’est le “vilain petit canard” évoqué précédemment), il doit être examiné par un médecin.
  • N pour Nouveau : une lésion qui est nouvelle et qui persiste depuis au moins trois semaines.

2. L’identification des personnes à risque de développer un cancer de la peau.

En dehors du cadre d’une lésion spécifiquement identifiée comme douteuse d’après les critères ABCDE ou CAN, il est aussi important d’identifier les personnes réellement à risque de survenue d’un mélanome.

La science a permis d'identifier avec précision les facteurs qui augmentent le risque de développer un cancer de la peau. Ces critères permettent de définir une population cible pour laquelle une surveillance renforcée est souhaitable.

Les caractéristiques physiques constituent le premier groupe de facteurs de risque :

  • Les personnes à la peau très claire et/ou aux cheveux blonds ou roux.
  • La présence de taches de rousseur.
  • L'existence de nombreux grains de beauté, que l’on peut deviner lorsque leur nombre dépasse déjà 20 sur les bras et avant-bras.

Les antécédents personnels et familiaux représentent un deuxième ensemble de facteurs déterminants :

  • Les personnes ayant déjà eu un cancer de la peau.
  • Les personnes dont un membre de la famille au premier degré a spécifiquement eu un mélanome (parents, frères, sœurs ou enfants).

L'exposition solaire, enfin, joue un rôle crucial dans le développement des cancers cutanés :

  • Les coups de soleil sévères survenus durant l'enfance ou l'adolescence, caractérisés par des douleurs et/ou une peau qui pèle.
  • Les séjours de plus d’un an dans des pays à fort ensoleillement comme l'Afrique, le Moyen-Orient ou les départements et territoires d'outre-mer.

Enfin, s'ajoutent à cette liste :

  • Les personnes exerçant une profession en extérieur.
  • Les personnes ayant eu recours aux séances d'UV en cabine.

L'importance du cumul des facteurs
La présence simultanée de plusieurs facteurs de risque augmente de manière exponentielle la probabilité de développer un cancer de la peau.

Une façon simple de savoir si l’on est à risque de développer un mélanome est de réaliser le test appelé SAMScore. Il s’agit d’un test simple qui évalue les principaux facteurs de risque de mélanome : couleur de peau et de cheveux, nombre de grains de beauté, antécédents familiaux de mélanome et coups de soleil dans l’enfance. Il comprend seulement 7 questions et ne prend que quelques minutes à faire.