Qu’est-ce que la pelade ?
La pelade est une maladie inflammatoire chronique caractérisée par une perte soudaine de cheveux ou de poils, souvent sous forme de plaques bien délimitées. Elle fait partie des causes possibles de chute de cheveux qui apparaissent au cours de la vie (également appelée alopécie acquise). Cette affection peut toucher diverses zones du corps, allant du cuir chevelu aux cils, sourcils, et poils du corps. La perte de cheveux et de poils peut parfois être accompagnée de symptômes comme des démangeaisons ou une sensation de brûlure.
Il existe trois principaux sous-types de pelade :
- La pelade en plaques, la forme la plus courante (environ 90 % des patients), caractérisée par des plaques circulaires bien délimitées de perte de cheveux ou de poils, pouvant toucher la barbe ou d’autres zones pileuses (cils, sourcils, etc.) ;
- La pelade totale, où la perte des cheveux est quasi-complète ou complète ;
- La pelade universelle, caractérisée par une perte complète des cheveux et des poils du corps.
Cliniquement, ces zones de perte de cheveux, également appelées zones d’alopécie, ne sont pas inflammatoires, et la peau est cliniquement normale (pelade dite non cicatricielle). Les cheveux en phase de repousse peuvent être moins pigmentés, voire totalement dépigmentés (blancs). À noter, l’aspect clinique de la pelade ne diffère pas entre les enfants, les adolescents et les adultes.
Environ 30 à 50 % des personnes atteintes de pelade, enfants comme adultes, présentent également des anomalies unguéales, communément appelées ongles peladiques1,2. Des petits trous ou dépressions « en dé à coudre » peuvent apparaître sur la surface de l'ongle. Les ongles peuvent également devenir rugueux, striés, cassants, et la lunule, située à la base de l’ongle, peut devenir rouge. Ces symptômes peuvent survenir avant, pendant ou après la chute des cheveux et peuvent être un signe précoce de la maladie3. L’ongle peladique est le plus souvent associé aux formes plus étendues de la maladie.
La sévérité de la pelade est évaluée à l’aide du score SALT (Severity of Alopecia Tool). Trois stades de sévérité ont été définis :
- Pelade légère : SALT ≤ 20 %
- Pelade modérée : SALT > 20 % et
- Pelade sévère : SALT ≥ 50 %
L’évolution de la pelade varie considérablement d’un individu à l’autre. Environ la moitié des patients constateront une repousse totale dans la première année, tandis qu’environ un quart des patients évolueront vers une forme totale, voire universelle. Certains facteurs sont associés à une repousse plus limitée : atteinte étendue, atteinte de la zone occipitale (pelade dite ophiasique), pelade ancienne, antécédents familiaux de pelade, présence d'autres maladies auto-immunes et un âge de début précoce4. Même après une repousse, les personnes atteintes sont fréquemment sujettes à de nouveaux épisodes de chute de cheveux au cours de leur vie.
La fréquence de la pelade dans la population mondiale est de 2 %5. En France la prévalence de la pelade est estimée à environ 1 %6.
Elle peut survenir à tout âge, mais elle concerne principalement les adolescents et jeunes adultes, âgés de 10 à 30 ans, avec un pic de survenue vers 20 ans.
Enfin, la pelade a un impact significatif sur le bien-être et la qualité de vie des patients concernés. Durant l’enfance et l’adolescence, périodes où l’image de soi revêt souvent une importance majeure, la pelade affecte profondément le bien-être psychologique, émotionnel et social. L'anxiété et la dépression sont plus fréquentes chez les enfants et adolescents atteints de pelade7-9. Leur estime de soi ainsi que leur performance académique peuvent en être affectées. L'atteinte du cuir chevelu représente le fardeau le plus lourd par rapport à l'atteinte de zones moins visibles (poils corporels) ou plus facilement dissimulables (cils/sourcils). L’entourage de l’enfant peut aussi être affecté, puisque plus de 85 % des parents d’enfants atteints de pelade perçoivent cette maladie comme un fardeau au quotidien.
Quels examens faut-il faire ?
Le diagnostic de la pelade est généralement posé de manière clinique, et il n’est pas nécessaire de réaliser un examen spécifique lorsque l’atteinte est typique. Grâce à un dermatoscope (un instrument utilisé par le dermatologue pour visualiser la peau, les cheveux et les follicules pileux avec un fort grossissement), il est possible d'observer des signes qui confirment le diagnostic. En cas de pelade active, une traction sur les cheveux des plaques peut provoquer leur chute.
Dans certains cas, d’autres examens peuvent être nécessaires :
- Lorsqu'il existe un doute sur une possible teigne, une pathologie causée par des champignons qui cassent les cheveux après les avoir contaminés, un examen à la lumière spéciale, la lumière de Wood, peut être réalisé. Un prélèvement microbiologique à la recherche de champignons responsables peut également être demandé.
- Lorsque d’autres diagnostics différentiels sont envisagés, il est possible de réaliser un trichogramme (prélèvement de quelques cheveux, qui sont ensuite examinés au microscope), une prise de sang (afin de rechercher d'éventuelles carences), ainsi qu’une biopsie cutanée.
Quelle en est la cause ?
La pelade est une maladie auto-immune dans laquelle l’équilibre entre le système immunitaire et les poils est perturbé : les globules blancs attaquent les follicules pileux.
Les patients atteints de pelade présentent un risque accru de développer d’autres maladies auto-immunes. Chez l’enfant, les pathologies les plus couramment associées sont la dermatite atopique, le psoriasis ou le vitiligo10. Chez l’adulte, il s’agit des maladies thyroïdiennes (notamment la thyroïdite de Hashimoto), du vitiligo, de la dermatite atopique et du lupus érythémateux systémique11-12 .
Les facteurs génétiques jouent un rôle clé dans l'apparition de la maladie, et on observe qu'environ 20 % des patients ont des antécédents familiaux de pelade. Les facteurs environnementaux, tels que le stress, semblent également jouer un rôle déclencheur ou aggravant de la maladie.
Quelles sont les complications possibles ?
- Un risque accru de coups de soleil en raison de la perte de cheveux, qui laisse le cuir chevelu exposé.
- Des irritations oculaires en cas de perte des sourcils et des cils, ces derniers n’assurant plus leur rôle de protection contre la poussière et les autres particules (cils), ainsi que contre la transpiration (sourcils).
- Des éternuements et un écoulement nasal fréquent chez les patients souffrant de la perte des poils du nez, ces derniers perdant leur fonction de barrière protectrice.
- Enfin, un retentissement psychique souvent conséquent, avec un risque de syndrome dépressif et anxieux, une baisse de l’estime de soi, une diminution des activités sociales, et parfois même un impact sur la scolarité de l’enfant.
Quels traitements pour la pelade ?
La prise en charge de la pelade dépend de plusieurs critères. Bien que la pelade ait un fort retentissement psychologique, elle ne met pas la santé physique de la personne atteinte en danger. Cet aspect doit être pris en compte lors de la décision thérapeutique, notamment chez l’enfant et l’adolescent en discutant avec l’enfant et ses parents des bénéfices et des risques des traitements proposés.
En général, la décision est influencée par l’âge du patient, l’étendue de la perte de cheveux et de poils (gravité de l’atteinte), ainsi que la durée de l’évolution de la poussée en cours. Il est également important de garder à l’esprit que l’évolution de la pelade est imprévisible, avec des repousses spontanées fréquentes, mais aussi des rechutes possibles, même après un traitement initialement efficace. De plus, malgré l’existence de nouvelles options thérapeutiques, une efficacité clinique n’est pas toujours obtenue.
Chez le jeune enfant (jusqu’à 6-8 ans), le traitement repose généralement sur l’application de dermocorticoïdes à activité modérée à forte, sous forme de crème ou de lotion à appliquer localement sur la zone atteinte. L’injection de corticoïdes au niveau des lésions n’est généralement pas proposée en raison de la douleur liée à la procédure. Les dermocorticoïdes ont une efficacité d’environ 60 % sur la repousse des cheveux.
La prise de vitamines ou de zinc peut aussi être parfois proposée.
Chez l’enfant plus grand, l’adolescent et l’adulte, les dermocorticoïdes peuvent également être utilisés, notamment dans les formes localisées sous forme de plaques éparses sur le cuir chevelu.
En cas de formes sévères, d’autres traitements peuvent être envisagés13,14 :
- Le minoxidil topique, bien qu’il n'ait pas d'autorisation de mise sur le marché pour cette indication, il est parfois prescrit chez l’adulte avec une bonne tolérance15. Il peut être envisagé en complément d’un autre traitement, notamment pour renforcer la repousse et aider à prévenir les rechutes.
- Des corticoïdes par voie orale ou intraveineuse sur une courte durée (appelés bolus de corticoïdes) peuvent être administrés pour tenter de freiner rapidement l’évolution d’une poussée.
- Des injections intra-lésionnelles de corticoïdes peuvent être proposées chez l’adulte notamment en cas de pelade localisée. Ce traitement permettrait d’obtenir une repousse localisée des cheveux chez environ 60 % des patients. Des effets secondaires sont cependant possibles (amincissement de la peau, dépigmentation etc.).
- En 2024, le ritlécitinib (LITFULO®) 50 mg, pris une fois par jour, a obtenu un remboursement dans les cas de pelade sévère chez les adultes et les adolescents âgés de 12 ans et plus. Ce médicament appartient à la famille des inhibiteurs de JAK, utilisés pour traiter diverses maladies auto-immunes et inflammatoires. L’étude ayant permis sa commercialisation a montré qu’environ la moitié des patients inclus considéraient que leur pelade était « modérément améliorée » ou « grandement améliorée » à la semaine 24. La repousse des cheveux sur plus de 90 % du cuir chevelu (soit un score absolu SALT ≤ 10) a été observée chez 13,4 % des patients traités, contre seulement 1,5 % chez ceux ayant reçu un placebo. Lors du suivi à la semaine 48, la repousse des cheveux sur plus de 90 % du cuir chevelu a été observée chez 31,2 % des patients du groupe ritlécitinib18. Dans la majorité des cas ce traitement est toutefois essentiellement suspensif, avec un risque de rechute à l'arrêt. La tolérance au ritlécitinib semble bonne. Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés sont : diarrhée (9,2 %), acné (6,2 %), infections des voies aériennes supérieures (6,2 %), urticaire (4,6 %), éruption cutanée (3,8 %), folliculite (3,1 %) et sensations vertigineuses (2,3 %). Une surveillance supplémentaire, permettant l’identification rapide de nouvelles informations relatives à la sécurité, est effectuée par l’ANSM. Plusieurs risques potentiels sont ainsi surveillés, tels que le risque d’infections, d’événements thromboemboliques, d’événements indésirables cardiovasculaires majeurs, de tumeurs malignes, de neurotoxicité et de toxicité embryo-foetale après exposition in utero.
- Depuis octobre 2023, un autre traitement ayant une autorisation de mise sur le marché est disponible pour les cas de pelade sévère, mais uniquement chez l’adulte. Il s'agit du Baricitinib (OLUMIANT®). L’efficacité de ce traitement a été évaluée en fonction de la proportion de patients observant une repousse des cheveux sur plus de 80 % du cuir chevelu (soit un score absolu SALT ≤ 20). Après 36 semaines, environ un patient sur trois a atteint cet objectif avec le baricitinib 4 mg (38,8 % dans une première étude et 35,9 % dans une seconde étude pour le groupe baricitinib 4 mg, contre 6,2 % et 3,3 % dans le groupe placebo respectivement pour chaque étude)19. Le baricitinib pour la pelade sévère nécessite une prescription initiale hospitalière par un dermatologue, mais peut être renouvelé en ville par un spécialiste et délivré en pharmacie de ville.
- Dans tous les cas, le port d’une prothèse capillaire (perruque) peut être bénéfique et doit être proposé, notamment dans les formes les plus sévères. Elle améliore significativement la qualité de vie des patients. Il est aussi possible d’envisager le tatouage capillaire et l’utilisation de fibres capillaires pour densifier les cheveux restant en place.
- Enfin, la pelade peut avoir un impact psychologique important. Une prise en charge psychologique, incluant un soutien psychothérapeutique ou une thérapie cognitivo-comportementale, peut être proposée si nécessaire.
En savoir plus
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